Tous ces livres sont à toi! 

 

"Les livres animés", instation de Jasmine Catudal et Raymond-Marieux Boucher. 

Création : Exposition inaugurale de Grande Bibliothèque nationale (Montréal, avril 2005) et   Musée de la Civilisation du Québec (Juin 2007).

Direction générale; Lise Bissonnette

Direction artistique : Michel Marc Bouchard

Conservatrice : la regrettée Nicole Lemay

Scénographie: Raymond-Marius Boucher 

chargée de projet: Claude Sauvageau (Montréal) et Cécile Ouellet (Québec). Conservateur: Frédérick Bussières.


Des livres rares et des livres d'art côtoient les tableaux anciens et des sculptures modernes. Des serpents rôdent autour des petits catéchismes. Un arbre de la connaissance étale ses feuilles et derrière des grillages, des livres à l'Index se découvrent comme des tentations irrésistibles...- - Régis Tremblay, LE SOLEIL, juin 2007


 
Porte provenant de l'édifice qui logeait la Bibliothèque centrale de Montréal, ru Sherbrooke Est. Jusqu'à la levée de l' Index, , "L'Enfer" tenait loin des lecteurs les livres condamnés par les autorités religieuses et civiles ou dont la lecture n'était pas autorisée sans l'obtention préalable d'une permission spéciale, généralement accordée par e conservateur de la bibliothèque.  @Sonoyo Nishikawa

SYNOPSIS

Une exposition absolument passionnante.

Du livre nécessaire au livre érudit, du livre moral au livre rebelle, Tous ces livres sont à toi! invite à revivre l’épopée des bibliothèques publiques au Québec, de 1844, année de la fondation de la première bibliothèque publique au Québec, jusqu’à 1968, année de la création de la Bibliothèque nationale et du Dépôt légal. À travers ces 125 ans d’histoire, avec ses périodes plus sombres et de belles éclaircies, on voit nos institutions changer, notre société évoluer.

Au cœur des quinze regroupements thématiques de l’exposition, on assiste à l’affrontement des opposants et des défenseurs de la liberté d’expression, des adversaires et des partisans du droit à la connaissance, des forces de l’immobilisme et du progrès... sur fond de volonté d’affirmation identitaire.

 

Une exploration en deux parties et un volet plus québécois

En première partie, l’exposition relate l’évolution et les péripéties relatives à l’implantation des bibliothèques au Québec. Elle reprend essentiellement le propos et présente les livres qui faisaient partie de l’exposition initiale de la Grande Bibliothèque de Montréal. Par contre, le Musée de la civilisation y a intégré un volet plus spécifiquement québécois articulé autour de L’Institut Canadien de Québec, le seul institut, parmi tous ceux qui ont été fondés au XXe siècle, à avoir survécu jusqu’à aujourd’hui. À cet effet, les collections historiques de L’Institut de même que certaines collections privées ont été mises à contribution. Cet ajout permet d’inscrire le propos dans une dynamique plus générale, en ouvrant la problématique sur l’ensemble de la société québécoise et en faisant ressortir les caractéristiques inhérentes à celle-ci. 

Une deuxième partie, plus interactive, utilise principalement le son et l’image pour créer une ambiance dramatique propice à l’évocation de deux moments forts qui marquent un tournant dans l’évolution socioculturelle du Québec : le Refus Global et la Révolution tranquille. Ici, témoignages sonores, textes, livres, installations et projections rendent compte du chemin parcouru pour définir et affirmer le droit des Québécois à la culture et à la liberté d’expression.  Une illustration par le livre, l’art et l’audiovisuel. Pour parcourir la fascinante histoire des bibliothèques publiques et de la lecture au Québec, l’exposition propose quelque 250 livres, bien sûr, mais aussi des documents d’archives, une vingtaine d’œuvres d’art et de nombreux documents audiovisuels.  Les éditions originales qui composent l’ensemble de l’exposition – tous genres littéraires confondus – ont été sélectionnées en fonction de leur pertinence à appuyer le propos. Elles ne manqueront pas de susciter l’envie des bibliophiles avertis qui visiteront l’exposition. On y retrouve des trésors livresques et des documents uniques tels que le Catéchisme du diocèse de Sens (Mgr Jean-Joseph Languet, 1765), le bulletin Œuvres des bons livres (1846), Les anciens Canadiens (Philippe Aubert de Gaspé, 1863), The Birds of America (John James Audubon, 1827-1838), une série de petits catéchismes et d’almanachs (les principaux livres en circulation au XIXe siècle), Le jeune Latour (Antoine Gérin-Lajoie, 1844, la première pièce de théâtre publiée en français au Canada), L’Influence d’un livre (Philippe Aubert de Gaspé, 1837, considéré comme le premier roman au Québec), le Rapport de Lord Durham (1839)... pour n’en citer que quelques-uns.  À ces livres s’ajoutent des documents d’archives. Parmi tant d’autres se distinguent le poème Un Canadien errant d’Antoine Gérin-Lajoie, imprimé sur carte postale, la Constitution de l’Institut Canadien de Montréal, le premier catalogue manuscrit de l’Institut Canadien de Québec (1848) et le jugement rendu en 1871 concernant l’Affaire Guibord.  De magnifiques œuvres d’art rehaussent le propos qu’expriment les livres et les documents écrits. Ces œuvres sont signées Alfred Laliberté, Ozias Leduc, Irene F. Whittome, Yves Laramée, Paul-Émile Borduas...

Portrait de Cyprien Tanguay (1819-1902),  père de la généalogie au Québec dont les travaux étaient à la Bibliothèque municpale de Montréal. Oeuvre d'Antoine Plamondon, 1832,  Québec, Musée de la civilisation

Un environnement très attrayant

L’approche théâtrale du dramaturge Michel Marc Bouchard met en évidence le tiraillement incessant entre les forces de l’immobilisme et celles du progrès, véritable fil conducteur de l’exposition. Des trames sonores adaptées à certains des contextes évoqués, des installations scénographiques – dont La maison de l’ignorance (un vivier de serpent), L’arbre de la connaissance (symbole de vie et d’enracinement) et une Table des rebelles – contribuent à accentuer le propos.

Tous ces livres sont à toi! : une exposition magnifique, produite par Bibliothèque et Archives nationales du Québec et adaptée par le Musée de la civilisation, sous la direction artistique de Michel Marc Bouchard. L’exposition gardera l’affiche au Musée de la civilisation jusqu’au 11 novembre 2007.

Ozias Leduc, La liseuse, 1894, huile sur toile, 29,6 x 25,6 cm, Musée national des beaux-arts du Québec, Québec. Ozéma Leduc, la sœur de l’artiste, pose pour ce tableau qui fait partie d’une suite d’œuvres montrant des adolescents absorbés par la lecture.- Le Jeune Étudiant (1894), Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa 

All these books belong to you!

 

The inaugural exhibition at Montréal’s Grande Bibliothèque in 2005, All these books belong to you! takes centre stage at Quebec City’s Musée de la civilisation from June 20 to November 11, 2007. The exhibition was developed under the artistic direction of Michel Marc Bouchard, produced by Bibliothèque et Archives nationales du Québec and adapted by Quebec City’s Musée de la civilisation.

“Museums collect objects for the same reason libraries collect books. Dedicated first and foremost to serving the community, they both seek to open up their collections to the broadest possible audience. And so these two great Quebec institutions, Musée de la civilisation and Bibliothèque et Archives nationales du Québec, have joined together to make books the focal point of a magnificent exhibition that recounts an important part of our history, the history of the development of Quebec’s public libraries,” declared museum executive director Claire Simard at the exhibition opening.

A truly captivating exhibition

From basic texts to scholarly tomes, from the edifying to the subversive, All these books belong to you! invites you to relive the epic tale of Quebec’s public libraries from 1844, the year Quebec’s first public library was founded, to 1968, the year that Bibliothèque nationale and Legal Deposit were created. Through these 125 years of history, across dark times and golden moments, it retraces the evolution of our society and the development of our institutions.

Through the exhibition’s fifteen thematic groupings, discover the struggles between the opponents and defenders of freedom of expression, the adversaries and supporters of the right to knowledge, and the forces of standpattism and the forces of progress as they clash against a background of contested collective identity.

A two-part exploration with a more Quebec-centred element

In the first section, the exhibition relates the evolution and adventures that occurred while Quebec’s libraries were being established, essentially taking up the themes and books of Grande Bibliothèque’s original exhibition. However, Musée de la civilisation has added a more Quebec-specific aspect, centred around Institut Canadien de Québec, the only institution among all those founded in the 19th century to have survived to the present day. For this component, the museum has drawn upon the collections of Bibliothèque de Québec (Bibliothèque Gabrielle-Roy and its branches) administered by the Institut, as well as several private collections. These additions made it possible to situate the themes in a broader dynamic, encompassing the whole of Quebec society and bringing out its specific characteristics.

A second, more interactive section, uses primarily sounds and images to create a dramatic ambiance befitting two defining moments in Quebec’s socio-cultural evolution—the Refus global (Total Refusal) and the Quiet Revolution. Here, verbal accounts, texts, books, installations, and projections testify to the progress achieved in defining the rights of Quebecers to culture and freedom of expression.

Illustration through books, art, and audiovisual media

To guide you through the fascinating history of public libraries and reading in Quebec, the exhibition naturally features books—some 250 of them in all—but also archival documents, some twenty works of art, and numerous audiovisual documents.

The first editions that make up the exhibition—representing every literary genre—were chosen for their thematic relevance, and will be the envy of knowledgeable booklovers everywhere. You’ll find treasures and unique documents such as The Birds of America (John James Audubon, 1827-1838), Catéchisme du diocèse de Sens (Mgr Jean-Joseph Languet, 1765), the catalogue Œuvres des bons livres (1846), Les anciens Canadiens (Philippe Aubert de Gaspé, 1863), a series of small catechisms and almanacs (the main type of book in circulation in the 19th century), Le jeune Latour (Antoine Gérin-Lajoie, 1844, the first play published in French in Canada), L’Influence d’un livre (Philippe Aubert de Gaspé, 1837, considered the first Quebec novel), and the Rapport de Lord Durham (1839)—to mention only a few.

In addition to books, the collection of archival documents includes such rarities as a postcard printed with the poem Un Canadien errant by Antoine Gérin-Lajoie, the constitution of Institut Canadien de Montréal, the first hand-written catalogue of Institut Canadien de Québec (1848), and the 1871 verdict on the Guibord Affair.

Magnificent works of art by such artists as Alfred Laliberté, Ozias Leduc, Irene F. Whittome, Yves Laramée, and Paul-Émile Borduas highlight the themes expressed through books and written documents.

An intriguing environment

The theatrical approach of playwright Michel Marc Bouchard highlights the never-ending struggle between the forces of reaction and progress that constitutes the underlying theme of the exhibition. Soundtracks evoke certain contexts and the staging—including The House of Ignorance (a snake’s lair), The Tree of Knowledge (a symbol of life and rootedness) and a Rebels’ Table—help emphasize the theme.

All these books belong to you!—a magnificent exhibition produced by Bibliothèque et Archives nationales du Québec and adapted by Musée de la civilisation under the artistic direction of Michel Marc Bouchard, runs at Musée de la civilisation until November 11, 2007.


250 livres, rares, originaux, précieux, extravagants

... Des documents audio et vidéo — les voix de Jacques Ferron, Gaston Miron, Leonard Cohen, Jean-Paul Desbiens y résonnent —; des lettres, des archives, des sculptures (Le Vaisseau d’or d’Alfred Laliberté) et des peintures jalonnent l’espace de cette exposition, dont le directeur artistique, le dramaturge Michel Marc Bouchard, dira entre deux rires qu’elle est l’événement le plus important de l’année du 399e de la Ville de Québec.

Plus sérieusement, il précisera: «c’est sur la dichotomie entre les forces laïques et les pressions morales que s’est construite l’histoire des bibliothèques publiques au Québec», et c’est sur cette lutte constante qu’il s’est appuyé pour théâtraliser l’exposition. Parce qu’une exposition sur les livres dans les bibliothèques pourrait évoquer chez certains de mornes rayonnages où les couvertures, alignées à l’infini, s’égrènent avec ennui; Tous ces livres sont à toi! est là pour les détromper. L’exposition a ainsi ses personnages principaux, ses héros, ses anti-héros, ses rebondissements et ses trésors.

Du livre aliéné…

Le point de départ de l’exposition est la création de L’Institut canadien de Montréal, en 1844, qui marque le début d’une mutation culturelle dont les bibliothèques publiques seront des éléments à part entière. Le Musée de la civilisation a ajouté à cette nouvelle mouture de l’exposition les collections historiques de l’Institut Canadien de Québec, le seul survivant de tous les instituts fondés au XIXe siècle et qui doit d’ailleurs cette longévité à sa docilité envers les exigences des autorités religieuses.

Pendant plusieurs décennies, jusqu’à la Révolution tranquille, les rares livres autorisés à circuler librement étaient les catéchismes et les almanachs, et les bibliothèques étaient considérées comme… des foyers d’infections morales. Une œuvre fascinante, l’installation La Maison de l’ignorance, symbolise cette période obscure; il s’agit d’une cage de verre, dans laquelle se déploient de volumineux serpents, qui s’enroulent autour de branches d’arbre; un exemplaire du Catéchisme des électeurs, proposé par l’Union nationale de Maurice Duplessis en 1935, trône au milieu du vivarium, frôlé de temps à autre par les reptiles.

Mais il faut se détacher de cette vision hypnotique pour explorer un autre temps fort de l’exposition, qui concerne directement la mise à l’Index. Par cette forme de censure drastique, l’Église et ses représentants locaux condamnaient des livres par centaines, les envoyant, tels des bagnards de papier, reclus derrière les lourds barreaux de L’Enfer, une salle de l’Université Laval fermée par d’immenses portes de métal, qui encadrent désormais tout un pan de mur de l’exposition. Ici, nichés derrière une grille, d’anciennes éditions des Essais de Montaigne, du Tartuffe de Molière, de Notre-Dame-de-Paris de Victor Hugo, des Lettres persanes de Montesquieu ou de Marx, Engels, marxisme de Vladimir Ilitch Lénine. Là, le Catalogue de tous les ouvrages mis à l’Index, contenant les noms de tous les livres condamnés par la Cour de Rome depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’en 1825 avec les dates des décrets de leur condamnation.

On passe alors par un espace réservé à Émile Nelligan, qui subit lui aussi les affres de l’enfermement, et, auprès de ses manuscrits originaux, on peut écouter les musiques composées par André Gagnon et créé par l’Opéra de Montréal autour de l’œuvre du jeune poète.

Plus loin, une parenthèse rappelle l'innovation de la Bibliothèque de la Ville de Montréal, qui ouvre, en 1941, une salle réservée aux enfants. On y trouve les lectures jeunesse de la première partie du XXe siècle, parmi lesquelles l’incontournable Petit Prince de Saint-Exupéry. L’auteur, envisite à Québec en 1942, se serait inspiré du professeur de philosophie de l’Université Laval, Thomas De Koninck, alors tout jeune garçon, pour créer ce personnage.

Installation de Richard Lacroix. Véritables serpents se faufilant entte les petits catéchistes catholiques et ceux de l'Union nationale de Duplessis. 

…Au livre partagé

Il est temps alors de se diriger vers le dernier volet de l'exposition, le plus contemporain, concentré sur la période des années 60, des changements sociaux et de la Révolution tranquille. La salle est ovale et sur ses murs sont projetés des hommes et des femmes qui lisent et se donnent des livres.

Autour d’une table, baptisée La Table des rebelles, on parcourt certains des livres symboliques de cette périodes éclatée, évidemment, Le Refus global de Paul-Émile Borduas, mais aussi L’Homme rapaillé de Gaston Miron (1970).

On sourit en lisant des extraits d’un livre de Janette Bertand, qui répondait déjà aux lettres de lectrices en détresse. Les femmes n’y emploient pas le verbe fréquenter au mode actif: on «est fréquentée» par un homme, mais on ne le fréquente pas…

Celles qu'on fréquente, hier, aujourd'hui et demain, ce sont les bibliothèques, sources de mémoire, d’inspiration et de connaissance. Elles sont aussi des lieux d’émerveillement, quand elles s'allient à un musée pour présenter ce que Michel Marc Bouchard nommera justement «une des plus belles expositions livresques qui soient."  Par Adeline Corrèze, le libraire, Journal le libraire

 

 

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